Le Trouble Obsessionnel Compulsif (TOC)

(Pour améliorer la lisibilité cliquez sur le bouton en haut à droite)

Marie aime que sa maison soit impeccable. Philippe, son mari, Lucas et Chloé leurs enfants doivent tous se déchausser avant de rentrer dans le salon. La petite famille s’est habituée au fil des années aux manies de Marie. Rien à redire de spéciale de leur point de vue, après tout, ce n’est pas anormal d’ôter ses chaussures… Mais ce qu’ils ne savent pas, c’est que lorsque Marie fait la lessive, cela lui prend plusieurs heures. En particulier lorsqu’elle vide la machine, elle doit s’assurer que le linge n’entre pas en contact avec le sol, que l’étendoir a été préalablement nettoyé pour ne pas contaminer (salir) le linge propre. Puis le linge est plié dans une zone « impeccable » toujours par soucis de ne pas souiller les vêtements avant d’être rangés dans l’armoire préalablement nettoyée elle aussi, toujours avec la même préoccupation de « salir » ou « contaminer » le linge. Au fil des années, Marie n’en peut plus, elle déprime, se plaint de « tout faire dans la maison », que ses enfants et son mari ne respectent pas son travail. Le simple fait d’avoir à laver le linge devient angoissant et, surtout, épuisant. Marie consulte, au départ, pour un état dépressif…

L’obsession de la propreté est d’abord légitime mais devient rapidement tyrannique, parfois pour la personne elle-même, parfois pour l’entourage. Lorsque les « manies » (à ne pas confondre avec l’état maniaque) commencent à dépasser les 2 heures, la personne est gênée mais peut encore fonctionner correctement. A ce moment, elle optimise l’ensemble de ses rituels mais, ce faisant, les rituels deviennent de plus en plus denses et il est difficile d’y résister. On commence à entendre des petites réflexions du genre « maniaque du rangement » ou « maniaque de la propreté » parfois « hypocondriaque » (à cause de la peur des germes, surtout envers les enfants) mais il est très rare que ces personnes consultent à ce stade. Malheureusement. Alors, le TOC grossit, comme un animal que l’on nourrit en secret, il est intégré à la vie quotidienne au point que la personne elle-même ne se rend plus compte des heures perdues à faire ses propres rituels. Elle devient irritable et justifie ses comportements : « il ne faut pas que les enfants soient malades, ça ne sert à rien de laver du linge si je le range dans un endroit sale » etc. Pour peu qu’elle se mette sous anxiolytiques et la première prise en charge thérapeutique sera repoussée de plusieurs mois, voire de plusieurs années.

Mieux connaitre le TOC

Le TOC (ou Trouble Obsessionnel Compulsif) se caractérise par des obsessions, c’est-à-dire des idées envahissantes et surtout irrépressibles, à propos de tout mais plus particulièrement autour des thèmes de la souillure (saleté, contamination), du désordre et de l’erreur (jeter quelque chose d’important, peur de se tromper en choisissant un mot de passe etc.). Plus rarement, les obsessions concernent la peur qu’un malheur se produise (malheurs, superstitions) ou la peur d’avoir un comportement agressif en société. Les obsessions semblent plutôt circonscrites mais ne se limitent pas à ces thèmes. Ces obsessions entrainent des « compulsions » qui sont des actes ou des « rituels » que le patient ne peut pas s’empêcher de faire et qui sont destinés à faire disparaitre l’obsession. Tant que le rituel n’est pas exécuté, l’obsession grandit, devient insupportable et il n’y a plus d’autre issue que de réaliser les compulsions habituelles.

Le TOC concerne 2% de la population générale, il est la 10eme cause d’invalidité dans le monde (en incluant les maladies somatiques !). Dans 65% des cas elle commence avant 25 ans. Il s’agit d’une maladie chronique dont la guérison est très rarement spontanée. A l’inverse de la dépression qui dépend souvent du contexte, le TOC persiste même en changeant d’environnement (même si on observe une courte rémission). Les personnes atteintes de TOC vivent souvent seules et ont un taux de divorce supérieur à celui de la population générale. Pas besoin d’être psychologue pour le comprendre…

 

Comment devient-on « TOCé(e) » ?

 Freud pensait que les symptômes obsessionnels trouvaient leur explication dans le « stade anal » (l’enfant qui apprend à se retenir) du développement psychologique de l’enfant et qu’il s’agit donc de fixations prégénitales. Les compulsions seraient un mécanisme de défense contre l’expression d’une agressivité inconsciente. Les psychothérapeutes d’inspiration psychanalytique ont tendance à considérer les compulsions comme des symptômes d’un refoulement : peut-être que si Marie faisait plus l’amour avec son mari, elle aurait moins de compulsions… Sauf que tout ceci est faux et appartient à l’histoire de la psychologie.

Aujourd’hui on sait qu’il existe une vulnérabilité génétique : 60% des jumeaux vrais de sujet souffrant de TOC présentaient eux aussi le trouble (rappelons que le taux est de 2% dans la population générale). Les études sur le sujet laissent penser que le trouble se déclenche par hasard, sans aucun antécédent, plus fréquemment si un parent du premier degré en souffre et beaucoup plus fréquemment s’il s’agit de vrai jumeau. Cela dit la maladie n’est pas strictement génétique puisque, à patrimoine génétique identique, certains ne déclenchent pas le trouble. Il existe aussi des arguments biologiques. Venons-en à l’explication du TOC en psychologie (100 ans après Freud).

En premier lieu, on ignore le pourquoi : personne ne sait pourquoi une personne devient « TOCée » et pas une autre. On s’intéresse plutôt au présent : pourquoi l’individu, intelligent, ne peut pas s’empêcher de faire des choses stupides et inutiles ? L’explication est beaucoup plus prosaïque : le simple fait de répéter un comportement qui produit une satisfaction entraine un renforcement dudit comportement. Il s’agit en fait d’une loi générale du fonctionnement du cerveau (toutes espèces confondues). Si le fait d’appuyer 4 fois sur l’interrupteur pour être sûr que la lumière soit éteinte me fait me sentir mieux, je le referai régulièrement (surtout que, pris individuellement, ces comportements ne sont pas toujours jugés pathologiques) et une fois que j’ai pris l’habitude, pendant des années, d’appuyer un nombre paire de fois sur mon interrupteur, il me sera quasiment impossible de changer mon comportement. Ensuite, je me dis que, comme je ne suis pas fou (pas complètement en tout cas), je fais ça pour une raison alors je me lance dans une explication personnelle pour justifier mon comportement : j’enlève mes chaussures car il y a des germes sous la semelle qui pourraient contaminer ma maison et me rendre malade etc. Les justifications sont d’ailleurs souvent pertinentes puisque, précisément, le patient n’est pas fou. Au contraire, plutôt intelligent, il trouve en général de très bonnes raisons d’expliquer ses comportements. Les rituels deviennent alors impossibles à déloger et les pensées deviennent des vérités.

Le Traitement

Un petit mot sur les médicaments… Il s’agit principalement d’une famille particulière d’antidépresseurs : les IRS. Les doses efficaces peuvent être très variables et l’on ne peut mesurer son efficacité qu’au bout de 6 semaines. La durée d’une chimiothérapie est d’au moins un an. Selon la gravité du trouble, il faut commencer par une chimiothérapie (psychiatre) ou une thérapie comportementale et cognitive (psychologue TCC). Dans tous les cas, la thérapie comportementale et cognitive améliore l’efficacité du traitement chimique. Il ne faut pas en avoir peur mais le voir comme une aide. Les patients me demandent s’ils doivent prendre un médicament. Je n’ai qu’une réponse à faire : si vous parvenez à faire vos exercices la réponse est non, si vous n’y parvenez pas ou très difficilement alors oui. Le traitement facilite la prise en charge TCC comme la prise en charge TCC améliore le traitement pharmacologique.

 

La thérapie

Nous y voilà. Un traitement adapté permet une rémission chez environ 70% des personnes souffrant de TOC. La thérapie comportementale et cognitive est très structurée, les consultations se font 1f/semaine ou toute les deux semaines et dure entre 6 mois et un an. Au fil des progrès, les séances sont plus espacées. La thérapie s’accompagne d’un volume d’exercices important. Imaginez la difficulté : vous avez appris une langue étrangère pendant peut-être 10 ans et vous souhaitez l’oublier... cela nécessitera quelques efforts et un peu de temps. Mais on y arrive !